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26 juin 2009 5 26 /06 /juin /2009 10:01
 

Audience du mercredi 24 juin:  les réquisitoires du ministère public

 

Le procureur entame son réquisitoire devant une salle pleine avec la presse et les médias. Il rappelle que ces 4 mois d'audience se sont déroulés en toute transparence malgré la défense qui souhaitait que «certains chapitres restent fermés, et pour cause».

Il rend hommage aux victimes et rappel le bilan trop lourd de cette catastrophe qui ne relève en rien de la fatalité ».

Il résume ce qui va être son réquisitoire «Cette catastrophe résulte d'un dysfonctionnement grave dans l'exploitation et la gestion des bâtiments 335 et 221, d'un dysfonctionnement grave des opérations de traitement de déchets, d'un recours important à la sous-traitance sans une stricte surveillance, et d'une perte de conscience incontestable des risques liés à la mise en contact des produits se trouvant sur le site».

Il rend hommage aux salariés et aux sauveteurs et dénonce «deux parties civiles, avec le soutien de la défense, qui ont cru pertinent de semer le doute sur le nombre de victimes retrouvées sur le site AZF. Quelle honte!». Enfin il rend hommage aux enquêteurs tout en rappelant les réalités de ce dossier et son contexte : une catastrophe hors du commun, des déclarations intempestives qui sont venus générer des suspicions, l'attaque des deux tours de New York et la psychose qui a suivi. «La défense ne manquera pas d'exploiter abusivement cette piste pour tenter de faire oublier les autres, démarche qui sera la sienne jusqu'en 2007, et même à ce jour ».

Il redit que toutes les pistes ont été exploitées dès le premier jour, qu'aucune piste n'a été abandonnée tant que la preuve n'avait pas été rapportée qu'elle n'était pas crédible.

Il dénonce une poignée de personnes qui se sont invitées dans la procédure, développant théories et fantasmes, et qui ont créé des passerelles avec Grande Paroisse, jusqu'à constituer un groupement d'intérêt commun. Il évoque aussi les polémiques alimentés par certains médias, il cite Valeurs actuelles qui soutenait qu'une explosion s'était produite sur le site de la SNPE avec la thèse de l'arc électrique. « Cela a été relayé par la défense... Mais l'instruction a montré qu'il n'y a jamais eu aucune explosion à la SNPE. Et cette réalité est incontestablement admise par Grande Paroisse et Total qui a du reste procédé, quelques jours avant le procès, à l'indemnisation complète de la SNPE ».


Il rappelle les conditions de l'enquête avec 2 juges d'instruction et un collège d'expert, des experts judiciaires et pas des sachants privés qui n'ont comme donneur d'ordre que ceux qui les rémunèrent. Des experts dont la mission est fixée par le juge et portée à la connaissance de toutes les parties, contrairement aux sachants de la défense dont on n'a jamais connu les missions, sauf lors de saisies par la justice comme pour le CRNS de Poitiers. Il note que la défense n'a pas sollicité des contre-expertises avec de vrais experts judiciaires. La défense a préféré faire appel à ses sachants.


Il confirme que ses réquisitions ne concerneront que Serge Biechlin et Grande Paroisse. Le ministère public vous a déjà fait part de ses positions sur Total et M. Desmarest. C'est une position juridique".


Il donne ensuite le plan des réquisitions et rappelle que l'ordonnance de renvoi résulte d'une enquête pluridisciplinaire qui a examiné toutes les pistes et plus particulièrement la piste terroriste.

 

Il défend l'énorme travail effectué par la PJ et les experts judiciaires et dénonce les attaques de la Défense et les tentatives de déstabilisations. Il parle aussi du travail réalisé par les différentes administrations et cite le rapport de la direction du travail un rapport accablant pour les prévenus sur le fonctionnement de cette usine.
Il dénonce la commission d'enquête interne de GP/Total qui a parasité, pollué l'enquête officielle et qui a glissé en un comité de défense des prévenus... « Dès le dimanche, ils interrogent M. Fauré. Ils ont compris que cette catastrophe avait une raison...S'ils en avaient informé les policiers, on aurait gagné des mois et des années ».
Cette CEI en avril 2002 envoie un rapport, très léger, mais grâce à l'action d'une partie civile qui a fait une procédure pour entrave on a pu saisir des documents ou l'on voit que cette CEI savait. « Après le dépôt de ce rapport, une majorité des membres va travailler dans un seul but défendre l'image d'un groupe et les prévenus...on le voit avec le rapport de M. Presles connu en janvier 2006 et présenté aux membres de la CEI qui ont bien compris l'importance de ce complément d'expertise; cela aurait interessé M. Bergues. Eh bien ce rapport est caché. l'audience a commencé le 23 février, alors qu'ils savaient, à aucun moment, ils n'ont pas dit : on a un rapport intéressant... Que cette CEI a caché, de manière volontaire. Et c'est triste pour ce grand groupe, pour ces victimes. »


Mme Viaud poursuit le réquisitoire Elle reprend le travail des experts sur le cratère et les enregistrements qui ont aboutit à préciser que l'on a eu une détonation initiée dans le box et que l'explosion était unique, elle réfute les travaux de M Lefebvre pour la Défense ,parlant parfois d'imposture.

Elle précise ensuite que chaque hypothèse ou piste a été étudiée: les causes naturelles qui ont été réfutées et les causes liées à l'activité humaine qui se sont réduites à deux pistes: la piste chimique et la piste terroriste.

Le procureur avant d'aborder la piste terroriste traite d'une demande de supplément d'information sur les hélicoptères d'une partie civile... «Le tribunal a pris conscience que ce supplément n'avait pas grand fondement. Ces trois parties civiles sont dans une situation particulière, c'est la première fois que je le vois. Je pense que cela fait de l'ombre aux autres parties civiles. Ce sont trois plaidoiries en défense que nous avons eues! ... elles n'étaient pas obligées de se constituer parties civiles...Elles ont raillé les experts judiciaires, on a mis le doute sur l'enquête. Mais on demande quand même à titre subsidiaire de condamner M. Biechlin et Grande Paroisse et on demande des centaines de milliers d'euros! ...». Il réfute avec ironie cette piste «... C'est Tintin chez AZF, comme disait le directeur des RG. »


Il revient à la piste dite terroriste et rappelle l'ensemble des auditions et enquêtes faites autour de cette piste et qui ont été négatives. Il rappelle la multiplication des demandes d'actes de la Défense en juin 2004 puis 2006 sur cette piste .. « Alors c'est sûr, la PJ, quand elle est sur cette piste, elle n'est pas sur l'accident chimique ». Il conclut qu'Il n'y a dans ce dossier aucune élément.

La vice procureur entame l'étude de la piste chimique, elle précise que dans cette usine on a oublié certaines zones: les deux hangars 335 et 221 qui n'avaient aucun équipement, aucun intérêt. Ils vont pourtant devenir l'émetteur et le récepteur de la catastrophe.


Elle reprend l'état dégradé du hangar 221 qui sert au stockage du nitrate déclassé, parle de la croûte, de l'évaluation du stock, des produits stockés.

Puis le procureur poursuit sur le 335, il parle de l'évolution du dépôt vers un dépôt de sacs, de l'extension de la récupération de sacs usagés à tout le site zone nitrate et zone chlore sans étude préalable créant ainsi un risque de croisement des produits dans le 335, des sacs non lavés avec des fonds de produits secoués sur le sol du 335 puis balayés, du sac de DCCNa retrouvé dans le 335, des sacs de retour des USA, des sacs vides cherchés dans la zonz nitrate pour ces produits chlorés, du nettoyage de l'atelier ACD, des balayures des ateliers chlorés, on les retrouvait dans le 335. Il cite M. Bergues : "une poignée de DCCNa suffit à faire détoner un tas de nitrates", des absences clès aux ateliers ACD et au 335

L'ensemble de ces constatations objectives montre la présence de produits chlorés dans le 335 deux jours avant la catastrophe. Toutes les conditions étaient réunies pour qu'il y ait des balayures au sol. Ces balayures seront chargées dans la benne blanche que M Fauré va porter au 221.

La vice-procureur reprend "Nous sommes le 21 septembre, et Gilles Fauré vient de déposer sa benne dans le 221... L'humidité de l'air est supérieure à 66%, le sol du box est donc humide. La dernière benne qui contient environ 500 kilos de nitrate et un peu de DCCNa. Ce sont des produits secs. Derrière, le muret, il y a le gros tas qui fait environ 400 tonnes, composés à 75% de nitrate agricole et de 25% de nitrate industriel.
Elle décompose alors le mécanisme de l'explosion et explique chacune des phases : la formation de trichlorure d'azote, la migration de ce Ncl3 démontrée par le tir 24, la détonation du nitrate et sa propagation au tas principal et réfute la campagne d'essais en Slovaquie de M. Lefebvre. « On a eu un documentaire sur une expédition », enfin la transmission au tas principal avec les expériences de M Bergues et les travaux de M Presles.


Elle conclut « Etablir les causes de la catastrophe de manière certaine n'était qu'un préalable pour déterminer les manquements qui sont à l'origine. AZF était classée Seveso 2. la catastrophe était en germe dans la baisse de vigilance vis-à-vis des produits... A Grande Paroisse, les dirigeants, comme les cadres et les chimistes n'avaient jamais imaginé que la détonation du nitrate pouvait être due à un mélange avec du chlore. La protection contre l'incendie était leur seule certitude.. Mais l'excès de confiance les a conduits à reléguer une éventualité pour eux improbable ».
Elle classe les manquements en trois catégories et explique chaque manquement:
- Gestion défectueuse des nitrates déclassés.
- Manquements dans la gestion des déchets qui ne garantissent plus l'étanchéité entre le nord et le sud, pas de circuit ni de consigne et le 221 et le 335 étaient utilisés par des entreprises extérieures. La multiplication des entreprises génère des difficultés. Ce sont les raisons financières qui l'emporte.
- Sur les responsabilités : « Serge Biechlin est le seul à pouvoir représenter Grande Paroisse. Pour Grande Paroisse il n'y a pas à distinguer entre causalité directe et indirecte. Il suffit qu'il y ait des fautes. Les fautes de Grande Paroisse sont multiples, Pour Serge Biechlin, Il se voit reprocher de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs. Je ne voudrais pas que cette inégalité dans les poursuites se traduise par une sévérité accrue à l'égard de M. Biechlin ».
- Pour les infractions au code du travail : « M. Biechlin est investi de la responsabilité de sa société, il dispose de moyens financiers en matière de sécurité. Je ne soutiendrai pas qu'il est l'auteur du dommage du 21 septembre. Mais sur le plan du code pénal, il n'a pris aucune disposition pour que l'arrêté préfectoral soit respecté, il n'a pas veillé à la pertinence d'une bonne gestion des déchets, ni au contrôle de la formation; c'est la faute caractérisée. Sur le plan du droit du travail, ces mêmes manquements liés à une absence d'évaluation des risques sont autant de manquements qui entrent dans l'article R231. Cet article est punissable d'autant d'amendes que de personnes concernées. Un seul manquement suffit. Il n'est pas nécessaire d'en mesurer la gravité».

Le procureur parle d'un procès historique avec un engagement hors norme de la justice. «Pour autant, nous savons bien aucune condamnation ne pourra jamais réparer les chagrins et les souffrances qui elles, mesurent l'infini. Réparer l'infini, nous ne le pouvons pas. En revanche, tirer les conséquences de cette catastrophe industrielle est notre devoir à tous, en mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie dans cette catastrophe qui n'avait rien d'une fatalité. »

« Il faut que des enseignements en soient tirés par ceux qui peuvent le faire...Cette catastrophe effroyable résulte d'une explosion primaire liée à un processus chimique entre deux produits incompatibles fabriqués sur le site. Les causes de cet accident sont multiples. J'affirme qu'elles sont imputables à des négligences humaines et organisationnelles dans cette usine présentée comme une usine modèle...Nous savons qu'il y avait une méconnaissance criante des risques liés aux produits manipulés. Nous savons que le recours massif à la sous-traitance a fragilisé la sécurité. Nous savons que des dérives en chaîne dans le 335 et le 221 a permis l'arrivée de DCCNa dans le 221 et sa mise en contact avec le nitrate. Voilà pourquoi AZF n'existe plus aujourd'hui. Voilà pourquoi MM. Biechlin et Grasset sont responsables et coupables. »


Je requiers pour M. Grasset le maximum de la peine: 225000 euros d'amende. A l'encontre de M. Biechlin, je requiers trois ans d'emprisonnement avec sursis et 45000 euros d'amende.

A l'encontre de ces deux personnes, je requiert la publication de ce jugement dans "Le Parisien", "le Monde", "Valeurs actuelles", "le Point", "le Nouvel Observateur", "L'Express", "La Dépêche du Midi", ainsi que la publication du jugement sur les sites internet d'AZF et de Total .
S'agissant des citations de Total et de Thierry Desmarest, je maintiens ma position d'irrecevabilité. S'agissant des demandes de supplément d'information, le ministère public s'y oppose.
Fin du réquisitoire

 

Commentaires : Le procureur a mis en avant le rôle de la CEI et de Total, les fausses pistes, la confusion créée, les multiplication des demandes d'actes pour ralentir ou égarer l'enquête, les rapports cachés  le jeu de M&S, le rôle de la sous traitance etc... Il a demandé la peine maximale prévue par la loi, une amende ridicule pour GP et pour les finances de TOTAL.

 

Mais.. Mais... Mais il n'a pas volontairement tiré toutes les conséquences de son réquisitoire en refusant de condamner Total alors qu'il n'a cessé de démontrer le lien de dépendance entre TOTAL, la CEI et GP, il est même incohérent en demandant la publication du jugement sur le site de TOTAL.

 

Ce réquisitoire ne peut nous satisfaire, la loi française ne veut pas attaquer les industriels, on est dans une société libérale et il faut rappeler ce qu'a dit Me Soulez Larivière, l'avocat de Total   «  le droit est l'aboutissement des rapports de force dans la société à un moment donné »  et aujourd'hui le rapport de force est pour les entreprises qui risquent la vie des citoyens en réduisant les mesures de sécurité et en basculant dans la sous traitance pour augmenter leurs profits.

 

Alors AZF une catastrophe et un procès pour rien?

Denis

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