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26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 10:22
Hier le tribunal de Toulouse a condamné en appel Grande Paroisse à 225 k€ d'amende et le directeur de l'usine à 3 ans de prison dont 2 avec sursis. C'était le maximum possible.
Après les années d'arrogance poisseuse durant son activité vis à vis du quartier (diverses pollutions liquides et gazeuses) et de diffusion commerciale de produits à éviter précautionneusement (engrais, produits piscine, explosifs..), après la suffisance des onze ans de procédures pendant lesquelles son avocat a systématiquement "baladé" tout le monde avec des prétendues surgissements de nouvelles pistes et des discours plaintifs sur la non découverte de la vérité, après avoir tenu les salariés et les sous-traitants dans l'humiliation, la dépendance, l'inéquité et pour finir après les avoir instrumentalisé, après des années de bénéfices monstrueux du groupe, le boomerang est revenu en pleine poire de Total : condamnation d'AZF et son directeur ! De quoi faire réfléchir, normalement.....
La morgue a trouvé ses limites. L'orgueil a mis un genou à terre. Un petit tribunal d'appel d'une province mal desservie par la SNCF a dit ce qu'une bonne partie de la population toulousaine pensait : ça suffit ! Des salaires de juges fonctionnaires, sans aucun doute misérables en regard du bénéfice à 2 chiffres en milliards de Total, l'ont cloué au tableau du déshonneur. L'attitude coloniale du géant de la chimie a sans doute posé ses valises a Toulouse le 24 septembre 2012.
Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas une simple affaire d'honneur comme cela se passe habituellement dans la mafia, qui est au centre de la problématique. Il va falloir désormais compter avec ce jugement pour Total: ses directeurs d'usine ne vont sans doute pas facilement voir la clause "prison" inscrite sur leur contrat de travail, les salariés vont pouvoir le rappeler à leur directeur quand les conditions de travail leur paraïtront trop éloignées des règles de sécurité, et les riverains rappelleront aux industriels et à la DRIRE (actuellement DREAL, chargée du contrôle des indus dangereuses) qu'on ne peut impunément "faire les cons" sans payer les pots cassés. (Il est vrai toutefois que Total n'est pas encore condamné, c'est sa filiale qui l'est, mais on y travaille.)

Ce qui est plaisant dans cette affaire, c'est que c'est l'intelligence collective d'une demi-douzaine d'experts qui a réussi à remonter le cours du gigantesque imbroglio élaboré par Total.
En effet, Total par la loi a été contraint de mettre sur pied une commission d'enquête interne (CEI), qui 2 jours après l'explosion, le 23 sept 2001 met le doigt sur l'hypothèse d'un mélange des produits chlore-ammonitrate. L'enquête de police y arrivera 3 semaines plus tard ! Les flics ne sont pas forcément des chimistes, et Total a oublié de les informer de ce que la CEI avait trouvé. A partir du moment ou Total découvre cette piste chlore-ammonitrate, il fera tout pour aiguiller l'enquête judiciaire ailleurs (chute de drone militaire, attentat islamique, explosion préalable chez voisins, court-circuits chez EDF, bombe oubliée par la deuxième guerre mondiale, résidu d'explosifs de production ancienne, expérience magnéto-militaire....). Des disparitions heureuses de pièces à conviction (des analyses de fonds de sacs, la benne fatale, des mémoires d'ordinateurs, se sont évaporés ..) ont tenté de faire croire que la confusion régnait après l'accident et que dans la panique générale, la benne était partie, les analyses mélangées, les mémoires effacées. Pourtant un principe impérieux impose à toute activité chimique de savoir à chaque instant tout ce qui se passe dans ses process et en conserver la trace. Mais la loi ne prévoit pas de condamnation pour ceux qui ne le savent pas ou qui perdent la trace.
Face à cette énorme culture du camouflage et de la confusion, à laquelle de nombreux salariés ont donné la main, même si quelques individus d'un énorme courage ont osé bravé ce rouleau compresseur, les experts ont, peu à peu, par déduction et logique, remonté le mécanisme de l'explosion. Et ce remontage théorique, avec trois bouts de ficelle, validé par quelques expériences, a tapé juste. Total n'a pas vraiment pu contester la validité de la thèse des experts. Sa seule échappatoire résidait dans la production de confusion. Total en a produit des tonnes, mais malgré cette machine à brouillard tournant à fond, les juges sont restés tranquilles et ont décidé avec eux aussi leur intelligence.
Cette victoire de l'intelligence sur la puissance est pour nous un réconfort énorme.
A part ça, semaine noire comme une marée en Bretagne pour Total : l'Erika, c'est aussi de leur responsabilité ! La méga-puissance n'est plus ce qu'elle était.
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