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18 avril 2009 6 18 /04 /avril /2009 00:08

Audience du 16 avril 2009

 

Le Président entame l'audience en par la lecture d'extrait du rapport des experts civils qui ont travaillé pour la SNPE sur les enregistrement sismographiques. Ils confirment l'absence d'explosion à la SNPE, et localisent la source au plus à 100 m à l'est du cratère, en condition non confinée. Leurs conclusions ont été validées par M. Madariaga, professeur à l'Ecole Normale Supérieure et au M.I.T.

 

Puis M. Lacoume vient répondre à une question en suspens depuis son audition de la veille. Il précise avoir appuyé ses calculs sur des explosions de charges de 20 et 25 kg séparées de 27 m.

 

 

Le témoin a changé d'avis

 

Le tribunal auditionne M. Camerlynck, géophysicien à l'université Paris VI, agissant dans le cadre d'un contrat passé entre Atofina et l'université. Il veut montrer que l'expertise sismologique ne peut pas conclure sur l'explosion, la taille du tas ayant explosé, la vitesse et le sens de propagation de l'explosion. Il s'appuie d'abord sur la faiblesse de l'enregistrement du capteur de l'OMP (pas bullé, appareil au rebut, pas calibré etc).

Puis il montre que la reconstitution faite par tirs d'explosifs sur le site permet d'aboutir à une très grande quantité d'hypothèses sur l'explosion. En fixant diverses valeurs aux variables que sont la taille du tas, la vitesse et le sens de propagation, on obtient un nombre important de possibilités qui aboutissent à un signal compatible avec celui enregistré par le sismographe de l'OMP. On arrive aussi à des signaux compatibles en faisant exploser un petit tas dans le box du 221. En bref, pour lui, la sismologie ne permet pas de distinguer une explosion dans le box, ni de calculer la vitesse de détonation, ni la taille ou la position du tas. De même, la source peut avoir explosé par le centre ou l'est, et même par l'ouest. Dans son travail de reconstruction, il a plutôt penché pour un tas limité à 40 m et une vitesse de l'ordre de 2000 m/s, et non pas 3000 comme les experts de l'instruction.

 

Le président interroge le témoin sur l'évolution de ses conclusions entre le dépôt de son rapport et son audition. Le témoin résiste à donner ses conclusions de l'époque et finit sous la pression du président par concéder qu'il avait conclu à une source unique d'explosion, proche du cratère et à une propagation d'est en ouest. Il explique l'évolution de ses conclusions par des études qu'ils a mené depuis et qui l'amènent à considérer que, si la reconstitution de l'explosion permet bien de reproduire le signal enregistré, elle ne dit rien sur le mécanisme qui a produit ce signal le jour de la catastrophe.

 

Il répond à Me Léguevaque qu'il est un expert indépendant qui n'a pas cherché à réfuter l'expertise officielle. A Me Levy, il précise qu'il travaille dans le cadre de son emploi à l'université, en précisant au Procureur que le contrat avait permis d'amener des financements dans son laboratoire. Le Procureur veut comprendre pourquoi le rapport de 2006 a été suivi d'une mission complémentaire qui abouti à la déposition d'aujourd'hui. Vive réaction de la défense qui ne comprend pas les sous-entendus du procureur sur l'indépendance de son témoin, et qui va faire son petit effet de tribunal en lui demandant s'il a été payé pour mentir. A la surprise générale, le témoin répond non à cette question audacieuse, range ses affaires et repart..

En tout cas, l'objectif de la défense est clair : montrer que le gros tas était petit et trop loin du box d'entrée pour que l'explosion ai pu démarrer à cet endroit. Au final, on conclu à une seule explosion, ayant lieu dans AZF, proche du cratère et compatible avec une explosion dans le box d'entrée du 221. Je sais pas combien Atofina a payé son expert, mais ses conclusions ne paraissent pas en mesure de démentir l'expertise officielle.

 

 

La stratégie de la défense

 

L'audition du témoin suivant, cité par la défense, donne lieu à un assez vif incident d'audience. Les avocats des parties civiles Me Levy, puis Me Casero, protestent contre le fait que les documents présentés par les témoins ne leur aient pas été communiqués au préalable, malgré des demandes dont la défense n'a même pas daigné accuser réception. Ils veulent que la déposition reste à l'oral et que le témoin ne puisse s'appuyer sur sa documentation. Le Procureur monte sur ses grands chevaux, dénonçant  une situation inéquitable, accusant la défense de ne pas respecter le code de procédure et de vouloir refaire l'instruction à l'audience, comme dans le système anglo-saxon.
A ce sujet, il est utile de relire l'article d'Alain le 8 avril sur ce blog "C'est bien Total qu'on a en face"

La défense, visiblement très préparée sur ce coup, rétorque en citant les textes et la jurisprudence de la cour de cassation dans le détail.  Réponse très argumentée de Me Courrégé, eux même ont vu arriver des témoins très documentés sans avoir été prévenus et n'ont pas émis de protestations ect ect.
Compte tenu de l'épaisseur du dossier utilisé et de la précision des informations fournie, il est évident que les avocats s'attendaient à se faire interpeller sur leur façon de conduire la défense et avaient soigneusement préparé leur réponse.

 

Le Président s'en tient à sa position : on auditionne le témoin avec ses documents, on en donne copie aux parties, et on reconvoque plus tard pour répondre aux questions. Il demande néanmoins que les documents soient fournis préalablement, sans en faire une obligation. Quoi qu'elle en dise, la stratégie de la défense parait claire : désorganiser la marche prévue du procès. Les témoins ne seront interrogé au mieux que fin mai, et à ce moment là, on en sera à une étape tout à fait différente. La pertinence des questions ne sera certainement plus la même et la déposition sera loin. Un retour en arrière en somme, qui fera revenir sur des problèmes déjà abordés, au détriment du déroulement logique de la procédure.

Toujours le même mot d'ordre pour Total depuis sept ans : semer la confusion.

 

 

 

Beaucoup de calculs pour pas grand-chose

 

Le témoin auditionné, Serges Nicolettis, n'est pas n'importe qui, il s'agit du responsable des études géophysiques de Total. Il veut démontrer que les conclusions des experts sismologues sont complètement erronées, que le tas fait entre 22 et 32 m de long, qu'il est à au moins 6 m du muret de séparation du box d'entrée. Pour en arriver là, il s'appuie sur l'expert précédent, pardon le témoin précédent qui a conclu que la sismologie ne pouvait rien conclure sur ces sujets.

Lui s'est intéressé à la forme du cratère, notamment à la rampe qu'il forme vers l'est. En partant de la forme du cratère généré par l'explosion d'un tas plus petit (11m de diamètre et 2,5m de haut), il reconstitue l'ensemble du cratère de l'explosion en juxtaposant lesdits petits tas et arrive à des conclusions sur la taille et la position du gros tas qui a explosé. Soit un tas compris entre 22,5 m et 32 m de long, posé à une distance du muret entre 11m et 6m. Ce qui est aussi conforme aux témoignages que les utilisateurs du 221 lui ont donnés sur la quantité de nitrate présent dans le hangar.

Pour ce qui est de la rampe vers l'est, elle serait due au déplacement brutal du muret, qui est construit très solide, sous la pression de l'explosion. En se déplaçant, le muret laboure la terre, creuse la rampe, et disperse le tas dans le box d'entrée. D'ailleurs, le tas dans l'entrée n'a pas pu exploser, puisqu'on ne retrouve aucune trace d'un cratère correspondant à cette explosion. Tout cela est conforté par un terrain plus sablonneux à l'est, donc plus facile à creuser. Et de toute façon, même si le tas de l'entrée avait explosé, le gros tas est trop loin pour que ça puisse servir d'étincelle à la catastrophe.

 

Tout cela est très bien présenté, par un pédagogue séduisant, à qui le président va montrer qu'il n'y a pas forcément besoin d'avoir du temps de préparation pour poser quelques questions pertinentes à un témoin. Après avoir fait remarquer que si on s'interroge sur la taille et la morphologie du tas, c'est que l'industriel est incapable de fournir des éléments incontestables sur l'état de son stockage, il note que le dessin du cratère tel que présenté par l'exp..., pardon le témoin, fait bien apparaître un cratère plus petit au niveau de la rampe est, avec, coïncidence magique, un décrochement juste au niveau du muret, comme si le muret avait un peu contenu une petite explosion !

Toute la salle regarde le dessin, voit bien le petit cratère que le témoin n'a pas su ou voulu voir, et ça rigole franchement dans les travées. Et le Président continue en signalant que le tas n'avait pas une forme parfaite, ce qui peut amener à une communication entre le hangar et le box d'entrée, hypothèse non prise en compte par le témoin qui de son propre aveu venait juste pour dire qu'il pouvait y avoir plusieurs solutions. Me Bisseuil porte l'estocade en signalant que chaque expert de la défense arrive à une conclusion différente sur la taille et la position du tas, et qu'ils auraient au moins pu faire l'effort de se mettre d'accord sur une version commune. Au point où en est cette audition, la défense n'argumente même pas, et le procureur, sans doute vexé de l'incident qui a précédé conclu par un médiocre "La société reste muette".

 

 

Et l'acousticien confirma le sismologue...

 

On en vient au dernier témoin de la journée, cité par le Ministère Public, Norbert Pheulpin, un des trois experts français sur les enregistrements sonores, mandaté par Atofina dans cadre de l'enquête interne de Grande Paroisse pour travailler sur les enregistrements audios de la catastrophe. Après avoir procédé à une collecte d'enregistrements exploitables, il a pu étudier 7 supports. Il a pu établir une base de temps sur les enregistrements pour mesurer les écarts temporels,  et il est arrivé à la conclusion qu'il n'y avait pas trace d'évènement précurseur à l'explosion. Pour lui, la seule hypothèse qui corresponde aux enregistrements examinés est une seule explosion dans le 221. Il a transmis les données une fois qu'il les a "verrouillés" et regrette qu'elles n'aient pas été exploitées comme elles auraient pu l'être. Il dit même avoir été approché par Domenech pour réinterpréter les enregistrements (sans doute dans un sens qui corresponde mieux aux thèses de la défense, mais ça ne sera pas dit), et a donc décidé de rompre là avec Atofina.

Lui est formel : toutes les interprétations de signaux acoustiques allant vers deux explosions aboutissent à une impasse, ou alors on a fait disparaître des données, ce qui paraît improbable. Et il est visiblement très énervé par l'utilisation que Domenech a tenté de faire des enregistrements, vainement d'ailleurs.

 

Fin de l'audience sous l'orage qui éclate dehors.

Et après quelques jours où ont défilé les experts, une quasi certitude que plus personne ne semble vouloir mettre en cause : il n'y a eu qu'une seule explosion et elle a eu lieu dans le hangar 221.

 

Yves

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